mercredi 30 mars 2011

Souvenirs Calcinés.

Ma Mémoire, c'est ma Patrie.

Je suis né pendant la Guerre du Golfe, juste avant l’invasion du Koweït par l’armée irakienne. Et aujourd’hui, les USA sont en Irak. On traque le barbu et on fait la guerre pour un motif à peine compréhensible. J'ai quelques jours à peine, et à la télé on annonce aux informations: 33 civils tués dans un bombardement, crash d'un hélicoptère, bilan 8 morts. Dans un hôpital de Genève, ma mère me trouve un nom: Denis. Bien plus loin, on cherche avec soin le nom de la prochaine opération militaire: Tempête du Désert. L'opération commence, j'ai six mois. Je suis né à des kilomètres des détonations des bombes, des rafales et des tirs de mortier. L'Opep est en colère, le baril est en feu. Drôle de décor pour un enfant.

Dans la rue, on a déjà oublié la chute du mur, et l'Allemagne de l'Est est un vague souvenir. Gorbatchev reçoit son prix Nobel de la paix et la neige tombe sur l'Europe. A cette époque, les choses ont peu de sens à mes jeunes yeux. Parfois, quand l'orage grondait, mon père me répétait: cache-toi bien et ne regarde pas.

Quelques années passent, je n'ai pas à me plaindre. Ma vie tangue entre Orange Mécanique et Pulp Fiction. L'alcool monte à la tête, très vite il faut trouver un moyen de se distinguer, se démarquer et on finit par perdre le contrôle. Années collège, entre joints et trous de mémoire, je me taille une petite route sinueuse. Je ne comprends plus rien. La science de l'autodestruction est un quotidien, mais il faut bien relever la tête, tôt ou tard. Ma mère pleurait en silence.

Mes amis sont tombés avant moi. Les dégâts irréversibles au travers de la peau, quelques erreurs de jeunesse. Au milieu du chaos danse une jeune fille aux allures de catin. Rejet de la société, déchet organique. L'ourlet de sa jupe se découd au fil des soirées. Elle est là, sans jamais avoir froid malgré l'absence du soleil, elle est là et chaque jour recule d'un pas incertain. Un soleil noir s'éteint. Les soirées se terminent de plus en plus tard, les amis sont de plus en plus rares, mais je vois une fois de plus, Genève, son image au fond de mes yeux, et je ne désire rien d'autre. La neige recouvre la ville, c'est la débâcle, incident et accident, l'éther ronge les corps, on s'est tous perdus dans la débauche et les trous noirs. J'ai dix-huit ans et autant de cicatrices. Après les cours, c'est la musique qui défoule, on passe de Vodka à Vittel. J'ai dix-neuf ans et le groupe se resserre. Certains partent d'ici pour rejoindre différentes capitales européennes. J'ai vingt ans et ma journée se termine, j'ai oublié le reste. Tout a changé avec le temps, on a volé ma mémoire. Il a fallu cinq ans de vie pour un paragraphe maudit. Au fond du bocal de formol, le cerveau se garde, mais les souvenirs s'effritent. La Tempête du Désert est passée il y a si longtemps.
Ma mémoire, c'est ma patrie.

Aucun commentaire: