Il y a toutes les choses auxquelles on aspire, les choses que l’on prétend
être ou posséder, et puis il y a le reste. Entre l’ambition et l’orgueil se
dressent mille barrières, mille hésitations intangibles.
Sentir le silence envahir les pas dans la neige, la brume par-delà les
horizons étouffés comme un corps figé dans la glace. Passer les frontières, ne
plus se retourner par crainte d’accablants regrets et forcer le rythme, se dire
qu’aller vite est une manière de se protéger. Dans le noir, trouver la force de
ne pas allumer un feu. Ne pas être entendu, ne pas être retrouvé.
Se mentir, accuser les autres. Et toujours être ailleurs. Perdre le sens
des réalités. Se retrouver au détour d’un arrogant reflet. Des pas dans la
boue. Un leitmotiv qui s’inscrit une fois de plus dans la logique du pays des
larmes.
Ne plus trouver personne pour entendre, ne plus avoir mot à dire, être trop
ému et regarder en arrière. Trébucher sur les corps jonchant nos souvenirs qui
nous tuent un peu plus à chaque jour. Ne pas demander de l’aide et puis fermer
les yeux, aussi fort que nos poings. Avancer dans le noir, dans le vide. Autant
de barbelés sur les chemins que d’ennemis dressés sur nos routes.
Dans ces saveurs de tragédie, on se sent partir, toujours un peu plus fort.
C’est un travail de longue haleine, les tentatives inscrites dans les années
qui nous cognent et nous cognent encore. Dans ce moment-là, on entend notre
corps se crisper tandis que les os craquent, les muscles se raidissent et
fatiguent. Se revoir mourir dans les phares d’une bagnole lancée dans une
course folle et ne plus en avoir peur. Ne plus rien sentir. Se laisser faire,
devenir le vent et s’emporter pour un rien.
Et ne plus jamais revenir.