jeudi 22 décembre 2011

Déviance.

L'amour et la mort se querellent depuis des années. Un moment précis il a fallu, sans prendre le temps d'y réfléchir, ne faisant appel qu'à notre instinct choisir l'un de ces deux protagonistes. Tu as choisis l'amour et moi la mort. Aujourd'hui il est évident que j'ai gagné car même si je suis mort, tu ne peux rien faire de l'amour si tu es seul.
La mort l'emporte toujours.
La mort l'emporte.

mercredi 14 décembre 2011

Le Poison

Un sublime poison épais et terne coulait le long de sa manche. Il ne lui restait plus qu'à attendre. Les lavabos blancs crachaient leur eau en un sinistre orchestre qui avait la force de briser net la plus forte des émotions. La porte n'était pas très loin, mais tout devenait subitement flou et incompréhensible. La silhouette en noir disparut un moment ou un autre dans le chaos de ce dernier spectacle.
Le robinet avait asse coulé pour remplir le lavabo à ras bord. Il y plongea sa tête pour reprendre ses esprits. L'eau s'en allait doucement et devint teintée de rouge, un rouge humain. Nous ignorions tout de cela à cet instant précis. C'était peut-être ses peurs enfouies, ou ces écorchures au fond du cœur qui ont fini par créer un trou béant qui l'avaient poussé là. Personne ne jugeait. Son identité, il s'en fichait bien, elle était partie pour de bon, et puis c'était déjà trop tard pour la regretter. Les veines à fleur de peau, qui tapaient comme pour sortir d'un corps trop ravagé, trop courbé, étaient cachées sous ses longues manches qui tombaient jusqu'aux doigts.
De l'autre côté, je poussais d'un vif coup de pied la porte blanche, tes mains contre mon dos, face à face ultime, et entrais dans les toilettes. Nous étions là tous les deux, je priais pour que tes lèvres restent soudées aux miennes à jamais, tandis qu'à terre, un homme aux yeux retournés était allongé, les bras étendus sur les carreaux.
On eut dit un oiseau blessé se débattant pour échapper à un agresseur invisible. L'homme se tordait et hurlait des choses incompréhensibles et fut pris de spasmes.
Il lâcha un petit flacon de verre d'où se déversait un liquide visqueux.
Il avait goûté au poison.

lundi 12 décembre 2011

Le Lit.

Te regarder t'allonger dans le lit. Les draps froissés dans le noir, le souffle haletant. M'en aller sans que tu me retrouves, les yeux fermés qui attendent un simple signe. Le bruit de la porte, les pas sur le tapis. La colère jusqu'au bout des doigts, les dents serrées. Te regarder partir, et ne pas dire un mot.
Se prélasser et attendre. Les plaies virent au jaune puis disparaissent. Te voir revenir, ne pas dire un mot. Percer ton visage du regard foudroyant. Les yeux noirs. La peau fatiguée, les cernes pérennes sous les orbites. Te regarder du mieux qu'il est possible, te voir t'asseoir sur le rebord et attendre.
Le ciel devient rouge, l'air est si froid.
Le bruit d'un battement de cœur. Une mélodie dans la tête et rien d'autre.
Et surtout, ne pas dire un mot.

vendredi 9 décembre 2011

Le Saphir

La bougie s'est éteinte dans la chambre livide où était allongé le petit corps froid. Sur le rebord de la fenêtre, la neige s'accumulait. L'horizon était saphir et des petits éclats brillaient très fort. La fumée montait au plafond, tandis que la main de la jeune femme tombait lentement hors du lit. Les lèvres bleue, elle fit trembler ses derniers mots jusqu'au bout, jusqu'à la toute fin. Ce jour-là, ce fut le soleil qui découvrit le pâle cadavre de ce qui aurait dû être une femme, le sourire aux lèvres.

mercredi 7 décembre 2011

Le Chant du Chamane (Extrait I)

La chambre de Jane était dotée d'une petite fenêtre aux stores cassés et coincés à moitié fermés. En regardant par la vitre, la vue donnait sur une grande route de macadam qui se faisait dévorer par une pinède dense à travers laquelle la lune venait s'engouffrer. Dans la pièce, il y avait un petit frigo en panne et des cafards. Sur une table en plastique se trouvait la télévision que Jane s'empressa d'allumer. A son grand regret, il n'y avait que trois chaînes disponibles, mais que l'on voyait par intermittence et des grésillements incessants sortaient du poste de télévision. La jeune femme finit par l'éteindre, fuma une dernière cigarette puis alla s'asseoir au bord du lit.
Dans la chambre noire, elle passait le couteau sur la flamme. Le métal devint brûlant, la nuit elle, resta glaciale et majestueuse. Le ciel était la robe d'une de ces dames dont on fait la cour du bas d'un hôtel, le ciel se penchait hautainement, se redressait et ignora. Ce soir, le miroir était brisé, le serpent glissant sur les morceaux de verre, au travers de la pièce, attendait le moment propice. Le venin est rare mais puissant.
La froide lumière de la matinée avait tiré Jane de son profond sommeil. Les entailles nocturnes qui vivaient sur ses bras ne lui faisaient pas mal, le sang avait séché pendant la nuit. Elle s'en moquait. Ce n'était ni un exemple, ni un sujet de honte, alors la fugitive ne s'en cachait pas, bien qu'elle évite d'en parler, comme pour tout le reste. S'il fallut qu'elle cache quelque chose, ce fut bien son entière existence.
Les interstices laissaient la lueur extérieure pénétrer maladroitement dans la chambre livide. Dans la pièce voisine, on entendait la porte claquer à tout moment, il y eut des cris, comme une terrible tempête qui s'abattait sur un désert de cendres, tout volait en éclat, tout partait en sanglots. Dans un motel bon marché perdu sur les routes d'un immense pays, Jane crut comprendre que l'amour était mort. Le lit restera défait. Quand sa montre indiquait plus ou moins huit heures, la jeune femme alluma une cigarette avec une allumette. A peine entamée, elle la laissa se calciner sur la table de sa chambre tandis qu'elle prit sa douche. L'eau brûlante qui coulait sur sa peau ne la réchauffa pas. Elle avait froid à l'intérieur, d'un froid qui ne changerait pas. C'était un peu comme si tout son corps se crispait au contact d'un coffre de métal glacial qui contiendrait son âme écorchée, laissant le givre se craqueler à chacun de ses battements de cœur. Elle n'en pouvait rien, ce froid était inscrit en elle, c'était les mots contenus, la haine étouffée des sombres jours, un grand livre des rancunes, fait de chair et de sang, dans lequel on aurait écrit toutes les douleurs, mille remord et cent fois plus de souffrances. Jane sentait qu'à chaque lettre de ce funeste ouvrage, le sang se déversait et la maintenait éveillée, la forçant à assister au terrible spectacle. Une sorte d'opéra dont la salle était entièrement vide. Sur la scène, immense, une jeune actrice en larme se tordait de douleur. Ses vêtements étaient déchirés et souillés de son sang. On eut dit un animal mortellement touché, qui se débattait comme si la mort personnifiée la tenait fermement.
La cigarette sur la table avait laissé des marques noires. Le vernis sur le bois bon marché du meuble avait craqué à cause de la chaleur et une odeur nauséabonde s'était répandue. Trente kilomètres plus loin, une voiture lancée à pleine vitesse sortit de la route, non pas à cause d'une météo délicate, mais parce que son chauffeur était ivre et probablement sous les effets de diverses drogues. Le véhicule fut stoppé net par une arbre des plus solides, enraciné aux abords de la route qu'emprunta le jeune fêlé. La scène était confuse, la fumée s'échappait du moteur et se dispersa autour du lieu de la collision. La portière du chauffeur s'ouvrit et une main, molle et inerte en sorti, puis resta suspendue, le bras posé sur le siège avant. La terre sèche et poussiéreuse venait se déposer sur le capot froissé de ce qui était ne magnifique voiture. Lorsque Rob reprit ses esprits, il serra d'une main un étrange bracelet fait d'os. Il se releva en titubant, balbutia et visiblement, il ne comprit point l'ampleur du désastre.