samedi 18 février 2017

Point de rupture.

Leurs regards avaient perdu le magnétisme quasi-magique des premiers jours. Sous le néon du couloir, leurs yeux prenaient une teinte délavée d'avoir à la fois trop versé et trop contenu de larmes. Les paupières chaudes, les contours enflés, autant de détails qui ne trompaient pas. Il y a dans l'amour une envolée flamboyante si forte et violente qu'on la croit infinie. On se sent invincible, toi et moi contre le monde, contre les autres. Leur feu s'était assombri au détour des silences et des non-dits que l'on enterre en espérant les oublier, sauf qu'on ne les oublie jamais vraiment. La mélodie se fait triste et il n'y a plus de bonheur dans leur sourire. Le quotidien était devenu un rituel monocorde, plus triste encore que les paysages de ces ailleurs qui nous glacent le sang et nous coupe parfois le souffle, quand les émotions viennent poignarder en plein coeur. Les nuits devenaient alors de plus en plus longues, si bien que l'alcool se mariait de plus en plus souvent à leurs âpres pensées, se glissant dans tous les interstices de leurs insomnies. Et la déchirure les bouleversa. Ce n'était pas tant la douleur de la rupture, mais le fait de se sentir incapables de vivre sans l'autre semblait un fait difficile à assumer. Les mégots de cigarette venaient mourir une à une entre leurs lèvres muettes, si bien que la fumée préférait s'échapper haut puis disparaître. Pour la première fois, il se sentait perdu. Ses poings venaient comme des massues infatigables contre les murs, les jointures des doigts gonflaient et saignaient. Il collectionnait tous les vices de l'autodestruction, évacuant ainsi une souffrance certaine qu'il se cantonnait à ne pas verbaliser. Il ne disait jamais rien, ne pleurait qu'à peine. Du moins, pas devant les gens. Quand le masque tombait, il ravageait tout, à commencer par son corps. Ses bras ne consistaient plus qu'en des cicatrices sur d'autres cicatrices. On dit que certaines choses ne s'oublient pas. L'alcool le rongeait autant que ces clopes qu'il mettait machinalement en bouche. Son rituel du quotidien partait en cendres, dans un sombre cycle de mutilation. Il se souvenait s'être senti invincible, mais le duo guerrier avait capitulé avant le fin de la campagne. Maintenant, c'était lui, contre le monde, contre les autres, contre lui. Surtout contre lui...

Aucun commentaire: