mercredi 14 décembre 2011

Le Poison

Un sublime poison épais et terne coulait le long de sa manche. Il ne lui restait plus qu'à attendre. Les lavabos blancs crachaient leur eau en un sinistre orchestre qui avait la force de briser net la plus forte des émotions. La porte n'était pas très loin, mais tout devenait subitement flou et incompréhensible. La silhouette en noir disparut un moment ou un autre dans le chaos de ce dernier spectacle.
Le robinet avait asse coulé pour remplir le lavabo à ras bord. Il y plongea sa tête pour reprendre ses esprits. L'eau s'en allait doucement et devint teintée de rouge, un rouge humain. Nous ignorions tout de cela à cet instant précis. C'était peut-être ses peurs enfouies, ou ces écorchures au fond du cœur qui ont fini par créer un trou béant qui l'avaient poussé là. Personne ne jugeait. Son identité, il s'en fichait bien, elle était partie pour de bon, et puis c'était déjà trop tard pour la regretter. Les veines à fleur de peau, qui tapaient comme pour sortir d'un corps trop ravagé, trop courbé, étaient cachées sous ses longues manches qui tombaient jusqu'aux doigts.
De l'autre côté, je poussais d'un vif coup de pied la porte blanche, tes mains contre mon dos, face à face ultime, et entrais dans les toilettes. Nous étions là tous les deux, je priais pour que tes lèvres restent soudées aux miennes à jamais, tandis qu'à terre, un homme aux yeux retournés était allongé, les bras étendus sur les carreaux.
On eut dit un oiseau blessé se débattant pour échapper à un agresseur invisible. L'homme se tordait et hurlait des choses incompréhensibles et fut pris de spasmes.
Il lâcha un petit flacon de verre d'où se déversait un liquide visqueux.
Il avait goûté au poison.

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