dimanche 7 juin 2009

La Paix Tombée Du Ciel.

Le convoi bâché s'en est allé en même temps que le soleil. La neige tombe à nouveau sur cette immense étendue, recouvre le sang des soldats tombés. Les contrées au loin sont recouvertes de ce manteau blanc et on y hisse un drapeau noir et rouge.
Noir de notre peine, rouge de notre sang.
Des traces de pas, dans la neige fraîche et puis, plus rien.
Des enfants pleurent devant les portes de la ville, car on a enterré leurs parents défunts à l'extérieur. On y voit des chevaux blessés par les obus tombés du ciel, car on le sait bien depuis tout ce temps, du ciel il ne vient que des bombes.
Bagdad, Sarajevo, Moscou, on tue.
Bagdad, Sarajevo, Moscou, on crève, et surtout on se tait.
Moi, je croque une pomme tombée du convoi en écrivant quelques lignes sur les évènements. Mes mains sont engourdies et mes doigts, tremblants, ne bougent que par vagues aléatoires. La neige tombe comme les soldats et les coups de canons remplacent depuis quelque mois le bruit du tonnerre.
Près de la porte, la terre prend une couleur ocre à cause de tout le sang versé. Il y en a sur ma veste et sur mes bras. Plus loin, je vois mes frères ramper dans la boue glacée. Un homme visiblement mutilé tente de rallier la ville mais, soufflé par une grenade, il est projeté contre des barbelés. L'homme à qui j'avais parlé il y a trois jours est désormais froid comme les flocons qui tombent.
Au loin, je vois des avions. Le bruit des moteurs est de plus en plus fort et l'un d'eux jette sa marchandise sur la ville. Des milliers d'ours en peluche tombent d'un ciel sans merci, et les soldats jettent leurs armes à terre.
Quand on est seul, blessé dans une tranchée, se battant loin de sa maison pour une idéologie vaine, on ne se bat pas, on prie.
On espère que les soldats d'en face feront de même, mais en attendant, les coups de feu éliminent tes frères, les uns après les autres dans un vacarme incessant.
D'autres ours tombent du ciel et les cloches de la ville se mettent à chanter.
C'est à n'y rien comprendre.
Je cours dans tous les sens, à la recherche de souvenirs. Je me perds dans ma propre ville en ruine et je m'arrête devant un vieil homme. Le cœur à genoux, il laisse s'échapper des larmes qui roulent sur ses joues.
Les avions s'en sont allés.
Il n'y a plus de neige, tout est calme.
L'herbe repousse et la terre sèche. Le ciel se dégage.
J'ai vécu, une minute, dans la ville la plus triste du monde.

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